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Nathalie (91) : Permis moto solo
Je m’appelle Nathalie, j’ai 51 ans et un handicap de la main droite de naissance. J’ai une petite paume avec de petits doigts très courts. Voici mon parcours jusqu’à l’obtention du permis moto.
J’espère que ce récit servira à de nombreuses personnes qui hésitent ou n’ont pas le courage de passer le permis.
A 14 ans, mon grand-père m’a acheté ma première mobylette, une GL10 Peugeot modifiée avec l’accélérateur inversé et déplacé à gauche. A 18 ans, j’obtenais le permis voiture et oubliais le deux-roues, songeant plus à fonder une famille. La vie s’écoulait sereinement jusqu’au réveil en 2008 du vieux démon de la moto, avec le passage du permis de mon mari et l’achat de son Harley Davidson.
Quelques incursions dans le monde motard au guidon d’un scooter 125, puis MP3 400 IE avec la même bidouille que la mobylette et enfin, l’achat d’un Trike Harley Davidson en 1200 Sporster, pour lequel « Handicaps Motards Solidarité » m'a guidé dans les démarches administratives et pour sa modification avec accélérateur au pied.
Le trike, c’est bien mais ce n’est pas une moto !… Allez, je me lance pour le permis !
Visite médicale ; restrictions du médecin : Commande d’accélérateur et frein avant déplacés à gauche. Ouch ! Ca va pas être facile de conduire comme ça mais bon, je me suis toujours adaptée à tout ; je garde le moral.
Le code. Dix-sept fautes, aïe ! Ça commence mal, mais au bout de 3 semaines, je suis à niveau… et après un contre-temps administratif, c’est l’examen et ça passe.
Viens maintenant l’attente de la moto aménagée pour mon handicap… Cela me paraît durer une éternité tant je suis pressée de chevaucher cette Honda 600 CBF !
Nous sommes fin août, je commence les cours plateau. Mon prof est une femme de mon âge, très professionnelle, très gentille. Je suis sa première élève handicapée. Elle regarde l’aménagement… A son air, je comprends que ça ne va pas être facile !
Mais qu’est-ce que c’est lourd une moto !... On redécouvre des muscles oubliés, les courbatures et les gros bleus.
Je m’entraîne à l’écart des autres. Il me faudra 5 heures de cours de lignes droites et de huits pour maîtriser la bête qui m’a créé bien des frayeurs au départ ! J’accélérais sans le vouloir, j’ai même fini dans le grillage !
Malgré tout, je deviens accro à la moto et trois jours sans cours, et elle me manque.
Au bout d’une quarantaine d’heures, c’est l’examen du plateau. J’ai eu beaucoup de mal à trouver le sommeil. Direction Vilabé, quel plaisir de circuler enfin sur la route ! Le plateau étant au bout de la rue de l’auto-école, nous ne faisions que ça, à part pour aller chercher de l’essence à 500m. Après 45 minutes de route, nous sommes contents d’arriver au plateau sous un beau soleil.
Il ne fait pas chaud, on est fin octobre… L’inspecteur a la quarantaine, sympathique, il nous met à l’aise en nous rappelant le sens du parcours à respecter. Il vérifie les motos et regarde la mienne avec curiosité. « - Cela fait beaucoup de choses à gérer du même côté. Ce serait bien de coupler les freins.
- Je sais mais on fait sauter l’homologation de la moto si on fait cela » lui répondis-je.
Les questions se passent bien : « Vous avez un A » me dit-il. Parfait ! Et d’un ! Maniement de la moto à l’arrêt : L’aller se passe bien, le retour, un peu plus lent et difficile. J’ai peur que la moto bascule mais je m’en sors : « A », génial, et de deux ! Le lent : Ma prof me dit dans l’oreille : « Tu fais comme d’habitude, tu ne changes rien surtout…. » J’acquiesce de la tête. Je place bien mes pieds sur les cale-pieds comme il faut, je serre le réservoir entre mes cuisses, me positionne le plus à l’aise possible et je démarre… Aaah et l’inspecteur qui me suit avec son chronomètre à la main !... « Concentre-toi Nathalie, ne t’occupe pas de lui, il faut que tu l’aies ce permis. ». Le temps est bon, arrêt au bout et redémarrage sans mettre le pied. Mieux qu’en cours.
Ma prof monte derrière moi et là, le trou noir ! Tout le monde a les yeux sur moi, c’est stressant !... Je me ressaisis… et ça passe !… L’arrêt d’urgence : Je m’élance, première, seconde, troisième, demi-tour, je repars et là panique de nouveau, je ne vois pas la ligne d’arrêt ! Je me dis que je n’ai rien à perdre, je m’élance, je fonce, regard furtif au compteur, je relève la tête, je vois la ligne enfin !... Je freine comme jamais je n’ai freiné…. L’inspecteur vient vers moi et me montre son chronomètre : « 48 km/h, c’est bon! » dit-il avec un sourire… et ça passe encore !… Vient la dure épreuve de l’évitement. Ah cet évitement qui me crée bien des soucis !... J’ai l’habitude de shooter les cônes. Je démarre, slalom à 40, demi-tour, je fixe le bord du terrain. Il faut que j’appuie sur le guidon juste avant de rentrer sinon, je vais faire tomber ou toucher un cône ! Je m’arrête entre les plots. Et là encore, ça passe ! Les fiches… Fiche N°4—Prise de conscience des risques… Trou noir, panique… et l’inspecteur qui me met en confiance, et… ça passe de nouveau avec un dernier « A ».
L’examen de la circulation, ce sera un mois plus tard, fin novembre. On ne va pas avoir chaud… Le jour J arrive enfin, le ciel est bleu azur, il fait 4 degrés. L’inspecteur, un homme grisonnant avec une barbe arrive en retard. Les deux garçons passeront avant moi… et je reste seule à me morfondre sur le plateau désert. Retour de la voiture mais sans la moto : « On a perdu Christian ! ». Nous le retrouverons nous attendant sur sa moto au bord de la route. Retour au plateau, ça va être mon tour… Le stress monte, je démarre ma moto et commence à avancer : « On va vous attacher à un élastique pour ne pas vous perdre comme votre copain ! » plaisante l’inspecteur. l’examen se passe bien jusqu’à un feu à un gros carrefour à Évry qui passe au vert, je commence à démarrer et j’aperçois au loin en face un bus qui arrive. Je dois tourner à gauche et ne sais plus quoi faire. Il me voit et ralentit. Allez, je me dépêche et je passe. Panique dans ma tête, ai-je bien fait ? Finalement, 8 mn plus tard, retour au plateau, et… Huit jours interminables à attendre notre feuille de résultat !... Enfin, le courrier arrive, je n’ai jamais ouvert une lettre si vite de ma vie. REÇUE !!!!
Comme quoi dans la vie, il ne faut jamais baisser les bras. Avec de la volonté, on arrive à faire beaucoup de choses.
Mon handicap est de naissance et je sais depuis longtemps qu’il y a toujours un peu plus de difficultés que Monsieur Tout le Monde pour atteindre ce que l’on veut ; c’est comme ça. J’ai moins de mérite que ceux qui ont un handicap par accident car eux, ils doivent changer leurs habitudes. Moi, je les ai prises dès ma naissance. Je sais une chose, c’est que je ne regretterai jamais d’avoir passé ce permis. A 50 ans, c’était un peu un défi et maintenant, j’ai encore plus confiance en moi !
Aujourd’hui, je fais beaucoup d’informations autour de moi. Dans les concessions, les concentrations, j’explique aux gens qui s’interrogent devant ma moto que s’ils connaissent des gens handicapés de naissance ou par accident, la moto n’est peut être pas chose inaccessible pour eux et qu’il existe une association qui peut les aider à réaliser leur rêve comme pour moi.
« ROUTE, ME VOILA !!! »
Je n’oublierai jamais ma première sortie avec MA moto. J’ai pleuré de joie en me disant : « Ça en valait vraiment la peine, même si j’en ai bavé ». J’ai fait 8000 km depuis avec mon Streetbob et à chaque fois, c’est un réel plaisir et bien être !
Merci à Cathy, Fred, Nuno, Gael et Christian pour leur amitié et leur gentillesse et à HMS, tout particulièrement à Marc pour son grand soutien.
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